il
avait regardé son visage sur la carte d’identité, le seul moment de notre
entretien où son émotion s’était éloignée de la haine ou de la puissance. Il
but un peu de vin. Le surveillant le vit et nous demanda de partir, ce que nous
fîmes en riant.
Il parlait sans discontinuer et de plus en plus
fort. En
déambulant, il m’expliqua qu’il pouvait aller n’importe où, qu’il
allait partir aux États-Unis avec sa fille. Il prétendit que la
misère touchait l’Europe, que la plupart des appartements du
centre ville étaient vides ou occupés par des étudiants, son
argumentation se basait sur l’absence de lumière aux fenêtres. Tous les riches
auraient fui aux Etats-Unis. Je n’avais pas le courage de le contredire. Sa
folie commençait à me peser. Il s’extasia assez longtemps devant des bijoux et
des montres dans une vitrine disant que ce n’était pas un problème pour lui de
se les payer. Puis il dit que sa mère était une pute, que Rome était une pute
et que la mer était une pute. Il dit que Grenoble l’aimait et que les montagnes
l’aimaient, le connaissaient, et le protégeaient. Nous avons regardé ensuite
les costumes qui lui plaisaient derrière la vitrine d’un magasin fermé. Le soir
était tombé. Il philosopha sur le fait de pouvoir aller à gauche ou à
droite. La bouteille de vin était presque vide. Il regarda une
femme et sa fille et les insulta. Il me dit que l’être humain était laid. Il
contempla dans une vitrine des costumes pour homme.
Assis avec lui sur un banc de la place Victor
Hugo, je
me sentais de plus en plus faible. Il traita les pigeons qui
vinrent vers nous de porcs. Mais dit-il les humains sont plus encore des porcs
que les pigeons. Les extra-terrestres ont peur de nous. Nous sommes laids. Il
énumérait nos disgrâces : nez,
sourcils, cheveux, bouches… etc. Eux, ils étaient grands, blancs, beaux… Il me
décrivit avec la main droite leurs démarches aériennes. Un groupe de jeunes
gens de vingt cinq trente ans couraient et plaisantaient à dix mètres de nous.
« C’est de la merde de diable » dit l’un d’eux à voix haute. Ils
semblaient chargés de vigueur et d’entrain. Fausto insulta sa famille mafieuse,
très riche et très puissante. Il me dit qu’il avait pu arrêter la guerre
qu’elle planifiait, qu’il avait assassiné pour ça. Sa famille décimée le
détestait maintenant. Je lui demandai de répéter un mot et il serra les mains
pour contenir sa colère
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