Le crépuscule commençait. La porte des toilettes
céda à une de ses manipulations, ce qui nous évita de payer. Fausto prétendit
qu’il connaissait le diable, qu’il vivait dans l’obscurité, qu’il était dans
toutes les maisons, dans les cabinets et qu’il
n’était pas matériel et apparaissait sous forme de lumière. Il
n’avait pas peur du diable ; il faisait peur au diable. Quand il se
mettait en colère, il le faisait fuir. La simple prononciation du mot
« rabbia » faisait monter son ton et la violence déformait ses
traits. Que la discussion stagne devant les toilettes publiques m’incommodait.
Il cracha plusieurs fois sur le démon mouchetant le sol de salive et de glaires.
Je ne sais plus à quels moments de notre errance, mais plusieurs fois, il me
dit que j’étais son ami.
La bouteille de vin posée par terre, nous
prenions places à la terrasse de Mac Donald sans commander quoi
que
ce soit. Il me dit que parfois il était invisible, que, dans la
rue, les gens passaient sans le voir. Ma méfiance s’éveilla sérieusement quand
il ajouta que, quand il fumait, il ne pouvait disparaître. Le surveillant
demanda à un groupe d’une dizaine d’adolescents de quitter la terrasse car ils
ne consommaient pas les produits du fast-food. Ils protestèrent avec
imbécillité. Nous
continuions, lui à boire le vin, moi à y tremper les lèvres. La
fatigue m’accablait de plus en plus. Il s’énerva car
je ne comprenais pas qu’il me parlait d’ovnis ; il dut faire un
dessin car je ne connaissais pas ce mot en italien qu’il m’avait presque crié
plusieurs fois. Il prétendait connaître les extra-terrestres et qu’ils
l’avaient protégé, enfant, je crois, contre la colère de son père alors qu’il
s’était réfugié sur un toit, mais
je ne suis pas sûr : mon attention baissait et il parlait de plus en plus
vite et passionnément. Les extra-terrestres l’aimaient car « il était
bon ». Par l’évocation de l’épisode avec les oiseaux lui mangeant dans la
main, il cherchait à me le prouver à nouveau ; je ne le contredis pas.
Tant bien que mal j’évoquai le
souvenir d’un vieil homme à Paris couvert d’oiseaux mangeant dans ses mains,
sur sa tête, sur ses épaules les graines qu’il y posait. Le vieillard était
maculé de fientes. Mon ami SDF fut surpris. Il refusait de le croire et me fit
répéter plusieurs fois. Il
croyait être le seul être au monde à qui les oiseaux faisaient confiance et à
qui ils parlaient. Une angoisse déçue se lisait dans ses yeux et le relâchement
de son faciès. Ce fut, omis celui où
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