et
dit qu’il ne supportait pas les gens qui ne comprenaient pas ce
qu’il disait. Je réalisai alors que le côté pathologique de
nos deux situations ne nous unissait plus. Pour
la première fois un léger sentiment de peur se mélangea à mon
accablement et mon ennui. Il commençait à m’oppresser. Quand nous nous levâmes
pour aller vers son tram, car je lui avais dit que je voulais rentrer, il
continuait à évoquer sa famille et répétait « ammazzare !
ammazzare ! », complètement emporté et passionné. Je commençais à
croire qu’il aimait vraiment tuer. Je
vis un enfant courir, je l’enviai et je sentis que ma bonne étoile m’ordonnait
de fuir. Sa liberté jurait avec ma situation et mon émotion. Fausto répétait
« ammazzare ! ammazzare ! », encore. La discussion
s’éternisa. Il laissa passer deux trams pour continuer son discours. J’étais à
ce point désireux de rentrer que j’ai oublié presque tout ce que nous disions
là, mais je crois qu’il s’agissait encore de violences. Il salua, en l’appelant
« mon ami », un handicapé mental fameux des rues de Grenoble toujours
habillé en loques, qui hurle ou fredonne parfois des inepties en marchant,
toujours avec sa radio sur l’épaule, qui ne lui répondit pas. Je commençais à
avoir des réflexions métaphysico-paranoïaques complètement hors contexte. Fausto prit le tram et nous nous fixâmes
rendez-vous le lendemain en fin de journée.
J’allai au rendez vous ; je ne l’y vis pas. Deux
semaines plus tard je l’aperçus à la gare routière qui
monologuait avec une femme qui attendait son bus. Je
l’ignorai et passai mon chemin.
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